Article 1er : Sont assujetties
aux prescriptions de la présente loi toutes les publications
périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation
ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux
enfants et adolescents.
Sont toutefois exceptées les publications officielles et les
publications scolaires soumises au contrôle du ministre de l'éducation
nationale.
Article 2 : Les publications
visées à l'article 1er ne doivent comporter aucune illustration,
aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion
présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge,
le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche
ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature
à démoraliser l'enfance ou la jeunesse (loi n°54-1190
du 29 nov.1954) ou à inspirer ou entretenir des préjugés
ethniques.
Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des
publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse.
Article 3 : Il est institué,
au ministère de la justice, une commission chargée de
la surveillance et du contrôle des publications destinées
à l'enfance et à l'adolescence.
Article 4 : Toute entreprise
ayant pour objet la publication ou l'édition d'un périodique
visé à l'article 1er doit être soit une association
déclarée, soit une société commerciale régulièrement
constituée. Elle doit être pourvue d'un comité de
direction d'au moins trois membres. Les nom, prénoms, et qualité
de chaque membre du comité figurent obligatoirement sur chaque
exemplaire.
Le comité de direction comprend obligatoirement :
Trois membres du conseil d'administration choisis par celui-ci, s'il
s'agit d'une société anonyme ou d'une association déclarée
; Le ou les gérants s'il s'agit d'une autre forme de société.
Tout membre du comité de direction doit remplir les conditions
suivantes :
Etre de nationalité française ;
Jouir de ses droits civils ;
Ne pas avoir été l'objet d'une mesure disciplinaire ayant
entraîné l'exclusion d'une fonction dans l'enseignement
ou dans un établissement public ou privé d'éducation
ou de rééducation, à l'exception des mesures disciplinaires
prises sous l'occupation et frappant, en tant que tels, des membres
de la Résistance ;
Ne pas avoir été déchu de tout ou partie des droits
de l'autorité parentale ;
Ne pas avoir été l'objet d'une condamnation pour fait
de collaboration ou pour délit contraire aux bonnes mœurs,
d'une condamnation pour tout crime ou pour abandon de famille, pour
les infractions prévues aux articles 312 et 245 à 357
inclus du Code pénal, ou pour vol, abus de confiance, escroquerie
ou délit puni par les lois des peines de l'escroquerie, pour
soustraction commise par dépositaire public, pour extorsion de
fonds ou de valeurs, ou pour recel de chose obtenue à l'aide
de ces infractions, ou pour diffamation lorsque, dans ce dernier cas,
la condamnation prononcée aura comporté une peine d'emprisonnement
;
Ne pas avoir appartenu à la direction ou au comité de
direction d'une publication périodique visée par l'article
1er et frappée de suspension pour une durée excédant
deux mois ;
Ne pas avoir été condamné antérieurement
pour l'une des infractions prévues par la présente loi.
Les entreprises existant à la date de la promulgation de la présente
loi ont un délai de six mois à dater de cette promulgation
pour se constituer conformément aux dispositions du présent
article.
Article 5 : Avant la publication
de tout écrit périodique visé à l'article
1er ou, pour les publications déjà existantes, dans les
six mois de la promulgation de la présente loi, le directeur
ou l'éditeur doit adresser au garde des sceaux, ministre de la
justice, une déclaration indiquant, outre le titre de la publication,
les nom, prénoms et adresse du directeur, des membres du comité
de direction et, le cas échéant, des membres du conseil
d'administration ou des gérants, ainsi que la dénomination
et l'adresse de l'association ou de la société.
Tous changements affectant les indications fournies dans la déclaration
doivent faire l'objet d'une nouvelle déclaration dans le délai
d'un mois.
Article 6 : Le directeur ou
l'éditeur de toute publication visée à l'article
1er est tenu de déposer gratuitement au ministère de la
justice, pour la commission de contrôle, cinq exemplaires de chaque
livraison ou volume de cette publication dès sa parution, sans
préjudice des dispositions concernant le dépôt légal.
Les dispositions du présent article seront applicables dès
la publication de la présente loi.
Article 7 : Sans préjudice
de l'application des dispositions des articles 119 à 129 du décret
du 29 juillet 1939 visant les publications contraires aux bonnes mœurs
ainsi que des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse et de toutes autres dispositions pénales applicables
en la matière, toutes infractions aux dispositions de l'article
2 sont punies d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une
amende de 1500 F à 20 000 F.
Le jugement est publié au Bulletin officiel du ministère
de l'éducation nationale, à la Bibliographie de la France
et dans trois journaux désignés nommément par le
jugement. Le tribunal ordonne en outre la saisie et la destruction des
publications incriminées. Le tout aux frais du ou des condamnés.
Lorsque l'infraction a été commise par la voie d'une publication
périodique, le jugement peut ordonner la suspension de celle-ci
pour une durée de deux mois à deux ans.
En cas de récidive, les responsables sont passibles d'un emprisonnement
de deux mois à deux ans et d'une amende de 3000 F à 40
000 F. En outre, s'il s'agit d'une publication périodique, l'interdiction
temporaire est ordonnée et l'interdiction définitive peut
être ordonnée.
Sont punis des peines prévues à l'alinéa précédent
le directeur de publication et l'éditeur qui ont enfreint une
décision de suspension ou d'interdiction.
Les associations reconnues d'utilité publique dont les statuts,
agréés par le garde des sceaux, ministre de la justice,
et le ministre de l'intérieur, prévoient la défense
de la moralité, les associations de jeunesse ou d'éducation
populaire agréées par le ministre de l'éducation
nationale, peuvent, en cas d'infraction aux dispositions de l'article
2, exercer les droits reconnus à la partie civile par les articles
63, 64, 66, 67, 68 et 182 du Code d'instruction criminelle.
Article 8 : Sera puni d'un emprisonnement
de deux mois à un an et d'une amende de 3000 F à 20 000
F quiconque éditera en infraction aux dispositions de l'article
4 une publication visée à l'article 1er.
Article 9 : Sera puni d'une
amende de 1500 F à 8000 F le directeur ou éditeur de toute
publication qui enfreindra les dispositions des articles 5 et 6.
Article 10 : L'auteur d'une
fausse déclaration déposée en application de l'article
5 de la présente loi sera puni d'un emprisonnement de quinze
jours à trois mois et d'une amende de 3000 F à 20 000
F.
Article 11 : A l'égard
des infractions prévues par l'article 2 de la présente
loi, les directeurs ou éditeurs seront, pour le seul fait de
la publication, passibles comme auteurs principaux des peines portées
à l'article 7.
A leur défaut, l'auteur et, à défaut de l'auteur,
les imprimeurs et distributeurs seront poursuivis comme auteurs principaux.
Lorsque l'auteur n'est pas poursuivi comme auteur principal, il sera
poursuivi comme complice.
Outre les cas prévus à l'article 60 du Code pénal,
pourront également être poursuivis comme coauteurs, passibles
des mêmes peines : les auteurs et les imprimeurs, et comme complices
: Les distributeurs.
Article 12 : A l'égard
des infractions prévues par l'article 4, seront passibles des
peines prévues à l'article 8 :
Les directeurs ou éditeurs des publications, quelles que soient
leurs professions ou dénominations.
Article 13 : L'importation pour
la vente ou la distribution gratuite en France des publications destinées
à la jeunesse ne répondant pas aux prescriptions de l'article
2 ci-dessus est prohibée à titre absolu.
Est également prohibée à titre absolu l'exportation
de ces mêmes publications, lorsqu'elles ont été
éditées en France.
Indépendamment des pénalités qui peuvent être
infligées en vertu de la réglementation douanière,
les importateurs, exportateurs ou transitaires qui auront participé
sciemment aux délits visés par l'article 2 seront passibles
des peines prévues à l'article 7.
L'importation pour la vente ou la distribution gratuite en France de
publications étrangères destinées à la jeunesse
est subordonnée à l'autorisation du ministre chargé
de l'information, prise sur avis favorable de la commission chargée
de la surveillance et du contrôle des publications destinées
à l'enfance et à l'adolescence.
Article 14 : Le ministre de
l'intérieur est habilité à interdire :
de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs de dix-huit
ans les publications de toute nature présentant un danger pour
la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique,
ou de la place faite au crime ou à la violence ;
d'exposer ces publications à la vue du public en quelque lieu
que ce soit, et notamment à l'extérieur ou à l'intérieur
des magasins ou des kiosques, et de faire pour elles de la publicité
par la voie d'affiches ;
d'effectuer, en faveur de ces publications, de la publicité au
moyen de prospectus, d'annonces ou insertions publiées dans la
presse, de lettres-circulaires adressées aux acquéreurs
éventuels ou d'émissions radiodiffusées ou télévisées.
Toutefois, le ministre de l'intérieur a la faculté de
ne prononcer que les deux premières, ou la première, de
ces interdictions.
Les publications auxquelles s'appliquent ces interdictions sont désignées
par arrêtés, publiés au Journal Officiel de la République
française, qui, en ce qui concerne les livres, doivent intervenir
d'ans un délai d'un an courant à partir de la date de
réception au dépôt légal ou, à défaut,
à compter de la date de parution. La commission chargée
de la surveillance et du contrôle des publications destinées
à l'enfance et à l'adolescence a qualité pour signaler
les publications qui lui paraissent justifier ces interdictions.
La vente ou l'offre couplée des publications définies
à l'article 1er de la présente loi, avec des publications
visées à l'alinéa précédent du présent
article, est interdite.
Aucune publication ne peut faire état de ce qu'elle n'a pas fait
l'objet des interdictions précitées, ni comporter aucun
texte ou mention de nature à faire inexactement croire à
une autorisation des pouvoirs publics.
Les infractions aux dispositions des précédents alinéas
du présent article sont punis d'un emprisonnement de un mois
à un an et d'une amende de 1500 F à 20 000 francs. Les
officiers de police judiciaire pourront, avant toute poursuite, saisir
les publications exposées au mépris des dispositions de
l'alinéa 2 ci-dessus ; ils pourront également saisir,
arracher, lacérer, recouvrir ou détruire tout matériel
de publicité en faveur de ces publications. Le tribunal prononcera
la confiscation des objets saisis.
Quiconque aura, par des changements de titres, des artifices de présentation
ou de publicité, ou par toute autre manœuvre, éludé
ou fait éluder, tenté d'éluder ou de faire éluder
l'application des interdictions prononcées conformément
aux cinq premiers alinéas du présent article, sera puni
d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de
3000 F à 40 000 F. En outre, et sous les mêmes peines,
le tribunal pourra interdire, temporairement ou définitivement,
la publication du périodique et ordonner la fermeture totale
ou partielle, à titre temporaire ou définitif, de l'entreprise
d'édition. Toute condamnation à plus de 10 jours d'emprisonnement,
pour les délits prévus au présent alinéa,
entraînera, pendant une période de cinq ans à compter
du jugement définitif, privation des droits visés à
l'article 42, 1° et 2°, du Code pénal.
Lorsque trois publications, périodiques ou non, éditées
en fait par le même éditeur, ont ou auront été
frappées, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 16 juillet
1949 et au cours de douze mois consécutifs, de deux des prohibitions
prévues aux deuxième, troisième ou quatrième
alinéas du présent article, aucune publication ou aucune
livraison de publication analogue, du même éditeur, ne
pourra, durant une période de cinq ans courant du jour de l'insertion
au Journal officiel du dernier arrêté d'interdiction, être
mise en vente sans avoir été préalablement déposée,
en triple exemplaire, au ministère de la justice, et avant que
se soient écoulés trois mois à partir de la date
du récépissé de ce dépôt. Le fait,
de la part de l'éditeur ou du directeur de la publication, de
ne pas accomplir le dépôt prévu ci-dessus ou de
mettre la publication dans le commerce avant la fin du délai
de trois mois précité, sera puni des peines et entraînera
l'incapacité prévues à l'alinéa précédent.
Quand, pendant la période de cinq ans susvisée, l'éditeur
astreint au dépôt préalable ne se sera pas acquitté
des obligations découlant de celui-ci, ou aura encouru deux autres
interdictions prononcées en vertu de l'article 14, la durée
d'assujettissement audit dépôt sera prolongée de
cinq années, cette prolongation partant de l'expiration du délai
de cinq ans initial.
A l'égard des infractions prévues par les huitième,
dixième, onzième et douzième alinéas du
présent article, le directeur de publication ou l'éditeur
sera poursuivi en qualité d'auteur principal ; à son défaut
et, à défaut de l'auteur, les imprimeurs et distributeurs
seront poursuivis comme auteurs principaux. Lorsque l'auteur n'aura
pas été poursuivi comme auteur principal, il sera poursuivi
comme complice. Pourront être poursuivis comme complices, et dans
tous les cas, toutes personnes auxquelles l'article 60 du Code pénal
est applicable.
Article 15 : Un règlement
d'administration publique pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre
de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre de l'éducation
nationale, du ministre de la santé publique et de la population
et du ministre chargé de l'information, fixera les modalités
d'application de la présente loi, sans préjudice de l'application
immédiate des dispositions pénales édictées
en l'article 7.
Article 16 : La présente
loi est applicable aux territoires d'outre-mer. Des règlements
d'administration publique détermineront les conditions de cette
application