1909-1942

Pour les petites filles des milieux populaires, les frères Offenstadt lancent en 1909 le journal Fillette, dont la vedette est L’Espiègle Lili, créée par le romancier Jo Valle (1865-1949), et dont le premier dessinateur est André Vallet.

Pendant féminin de l’Epatant, ce titre remporta un succès considérable auprès des fillettes du début du siècle, l'espiègle Lili ayant autant de succès chez les filles que les Pieds Nickelés chez les garçons. De nombreuses couvertures furent illustrées par Calvo.

La preuve de l'engouement suscité par ce magazine se trouve dans son rythme de parution. Tout d'abord hebdomadaire Fillette devient bihebdomadaire à son numéro 155 (29 septembre 1912). Il conservera cette périodicité jusqu'à ce qu'éclate la guerre. Reparaissant à son numéro 349 après une interruption de quelques semaines suite à la déclaration de guerre, il affiche sur sa une, un papillon qui mentionne: "Pendant toute la durée de la guerre, FILLETTE ne paraîtra qu'une fois par semaine".

Cette affirmation ne sera qu'un voeu pieux. La guerre terminée, Fillette ne retrouvera pas sa parution bihedomadaire.

Comme tous les magazines illustrés de la SPE, Fillette publie un almanach annuel.

Les guerres sont fatales aux frères Offenstadt. L'Occupation va faire disparaître Fillette mais celui-ci renaîtra de ses cendres en 1946 sans toutefois retrouver le même succès qu'avant guerre.

L'Epatant ou l'Intrépide consacrent leur une à une grande image illustrant une histoire intérieure, Cri-Cri ou le Petit Illustré placent une histoire à cette une.

Pour sa couverture Fillette adopte une position intermédiaire. Illustration(s) et texte se partagent cette page si importante du journal. Mais nous avons ici plus qu'une simple mise en appétit. Ces unes, ainsi que la double page centrale, furent longtemps de véritables bijoux de mise en page avec une recherche bien dans le style de l'Art nouveau. Cette mise en page qui combinait tout à la fois le côté pratique et une réelle esthétique va durer jusque vers la fin des années '30 pour faire place à une grande image.

Fiche technique :

Hebdomadaire, sauf la période du 29 septembre 1912 (n°155) à août 1914 où il est bihedomadaire.
16 pages de format 19,5 x 29,5 jusqu’au 1754 ( 1er mars 1942) où il passe à 39 x 27,5.
1755 numéros.
- Premier n° : 21 octobre 1909
- Dernier n° : n°1755 du 8 mars 1942.

Principales bandes :

  • les Mille et un tours de l’espiègle Lili (A. Vallet puis R. Giffey) n° 1 à 1489 ;
  • Shirley (R. Giffey) n° 1452 à 1696 ;
  • Nigaude et Malicette (R. Giffey) n° 1088 à 1317 ;
  • Bobby chien (Bob Kane) n°1555 à 1613.
A noter la double page centrale qui, s'inspirant de l'Art nouveau, se présente comme un réél chef d'oeuvre de mise en page.
n°89, juin 1911
n° 94, 8 août 1911.
Numéro complet du 18 mars 1917 (471). Cliquez sur les vignettes pour voir les images en grand.
Le duel Semaine de Suzette - Fillette

La presse pour enfants n'a pas échappé aux joutes qui opposaient les Français lors des grands débats sur la séparation des Églises et de l'État. Les éditeurs chrétiens tentaient de lutter à armes égales contre une presse qui se développait dans un monde en voie de sécularisation.

La Maison de la Bonne Presse, orientée vers le monde des jeunes et enfants chrétiens du monde rural, lance tour à tour L'Écho de Noël (1906-1907), L'Étoile Noëliste (1914-1935) et Bernadette (1923-1940). En vis-à-vis, la Société Parisienne d'Édition des frères Offenstadt, lance L'Épatant (1908-1960, pour lequel seront créés les Pieds Nickelés), Cri-Cri (1909-1968) et L'Intrépide (1910-1937).
Pour illustrer cette confrontation, Manon Pignot, de l'université d'Amiens, a comparé les revues La semaine de Suzette et Fillette lors du colloque sur les presses enfantines chrétiennes qui s'est tenu à Arras en décembre 2004.

La Semaine de Suzette
La Semaine de Suzette
est une création des éditions Gautier-Languereau. C'est un hebdomadaire destiné aux filles. Bien que la publication ne soit pas confessionnelle, la connotation chrétienne est forte. Elle accorde une place de choix à la morale religieuse et souligne que le catholicisme "est l'enseignement de l'amour d'autrui." Le texte domine, mais l'image et la couleur n'en sont pas moins présentes. C'est un douze-pages de format 22x 32 cm. La structure du journal n'a pas subi de modification entre les deux guerres: une histoire en images à la une, deux romans feuilletons illustrés, une double page centrale récréative et des rubriques inspirées de la presse féminine : cuisine, couture, etc. Le numéro 1 est paru le 2 février 1905.

Fillette
Quatre ans plus tard, les éditions Offenstadt créent Fillette. La volonté de plagier La Semaine de Suzette n'échappe à personne. L'architecture de Fillette est le calque de celle de Suzette avec toutefois un accent supplémentaire accordé au dessin et à la bande dessinée. Son prix trahit une volonté d'attaque frontale : 5 centimes au lieu de 10.
Dès 1905, le peintre Joseph Pinchon et le scénariste Caumery (pseudo de Maurice Languereau), créent Bécassine dans Suzette. Pour Fillette, M. Vallet et Jo Valle imaginent L'espiègle Lilli. Alors que Suzette dispose d'un courrier des lecteurs auquel "Tante Jacqueline" répond régulièrement, c'est une "Tante Édith" qui répond aux lectrices de Fillette.
En 1915, Suzette propose à ses lectrices de devenir marraines de guerre. Fillette emboîte le pas un an plus tard.

La grande trouvaille de La Semaine de Suzette est "Bleuette". Bleuette est une poupée que les filles doivent habiller elles-mêmes. Pour cela, le journal leur offre chaque semaine un patron de couturière. Bleuette a été napolitaine, Bécassine, alsacienne, etc. Elle a même été boulonnaise en 1915 et en 1930. Dès sa création, Fillette imagine sa propre poupée: "Friquette".

La destinée commune des deux hebdomadaires a été confirmée avec leur disparition simultanée en 1940 et leur réapparition en 1946. La Semaine de Suzette a cessé de paraître en 1960. Fillette a résisté jusqu'en 1964.
J. Capelain