Les albums

C’est au cours des années ’50 qu’éclate en "grand" le phénomène des albums pour la bande dessinée. Cartonnés ou brochés, on les trouvaient fréquemment depuis les années ’30, mais leur apparition remontait déjà au XIXème siècle avec les premiers volumes de bandes dessinées de Rodolphe Töpfer, Gustave Doré ou Benjamin Rabier.

Le principal éditeur français fut Hachette qui, dès avant la première guerre, popularisa le genre en publiant Buster Brown de R. F. Outcault et surtout, entre les deux guerres, les Zig et Puce d’Alain Saint-Ogan ainsi que des bandes américaines comme Mickey ou Bicot. Dans les mêmes périodes l'éditeur Gautier-Languereau affirmait son succès auprès des petites filles sages avec Bécassine pendant qu’un peu plus tard, en Belgique un jeune inconnu nommé Hergé envoyait Tintin, un petit journaliste au Pays de soviets.

Les frères Offenstadt, à l’affût de toutes les nouveautés, avaient compris le parti qu’ils pouvaient tirer de ce nouveau support. Louis Forton avec ses Pieds Nickelés et Bibi Fricotin allait former le fer de lance d’une formidable machine à vendre. Il était très vite rejoint par Thomen et les aventures acrobatiques de Charlot ainsi que par l’Espiègle Lili de Jo Valle. Le principe était simple, d’abord une prépublication dans un journal du groupe puis la reprise en albums regroupant, en un seul volume, des aventures publiées à raison d’une ou deux planches par semaine. Les éditions Offenstadt qui avaient privilégié une clientèle populaire pour leurs journaux à 10 ou 30 centimes (dans les années 1920/30) conservèrent la même stratégie de prix bas avec des volumes brochés, sous couverture papier pour une somme (relativement) modique de 3,50F.

Les frères Offenstadt avaient fait de la bande dessinée leur principal cheval de bataille. Croyaient-ils, dès les années 1900, à un développement rapide et réel de ce secteur ? En tout cas ils ne croyaient pas en la réalité des phylactères (les bulles), et ils s'opposèrent fermement à leur emploi jusqu’au milieu des années ’30. Editeurs précautionneux, ils avaient pris garde à ne pas mettre tous les œufs dans le même panier et, dès avant la guerre, ils avaient bâti un catalogue bien diversifié. Un véritable empire de papier avec des journaux et des fascicules divers qui visaient le clientèle la plus large possible, les enfants et la famille au travers de bandes dessinées et de romans et nouvelles, les militaires mais aussi, et c’est peut être moins connu, les bricoleurs avec une revue intitulée Tout faire, tout savoir, système D.

L’Intrépide avait été lancé, en 1910, pour concurrencer Le Journal des Voyages auprès des jeunes, c’est pour le même genre de clientèle, mais un peu plus âgée, qu’existait le très sérieux Sciences et Voyages, tandis que les amoureux des salles obscures pouvaient admirer les stars de l’époque grâce à Mon Ciné.

Ces divers magazines étaient également vendus en recueils regroupant un certain nombre de mois de parution selon le nombre de pages des fascicules. Une façon de faire qui permettait aussi d’écouler les invendus… D’autres ouvrages, sous forme d’albums spéciaux existaient également, mettant à l’honneur la découverte du monde animal comme dans le collection Le Jardin zoologique ou l’éveil des plus petits avec des albums à colorier, des constructions à découper ou des albums–jeux, etc.

Rapidement la collection allait s’étoffer. Avec ses nombreux titres la SPE semblait avoir un réservoir inépuisable (dans les années 25/30, la SPE éditait 27 journaux). Mais la guerre et l’Occupation allaient casser cet élan en mettant la presse sous l’éteignoir. La pénurie de papier et la censure frappent tout les titres. Mais, en plus, les frères Offenstadt sont touchés les lois anti-juives. Leur maison d’éditions est placée sous tutelle allemande par l' intermédiaire du trust nazi Hibbelen. Junior et Fillette s'éteignent alors pour laisser place à des journaux qui n’hésitent pas à se lancer dans la collaboration. Pourtant quelques petits albums sont publiées durant cette période et avant que les Offenstadt ne reprennent possession de leurs biens. Période de confusion et d’incertitudes, l'immédiat après-guerre se stabilise.

Enfin la SPE redémarrait sa collection d’albums en rééditant Forton et Thomen, certains auteurs comme Perré ou Badert passaient à la trappe, les Pieds Nickelés confiés à Pellos et Bibi Fricotin à Pierre Lacroix allaient assurer le quotidien de l’entreprise. L’espiègle Lili retrouvait une nouvelle vie sous le crayon d’Al G. et était rejointe au catalogue par Aggie. Avec le retour à l'ordre, trois grandes collections d’albums (BD) vont apparaître mais avant que les grandes séries ne soient confiées à de nouveaux auteurs plusieurs rééditions d’œuvres parues avant-guerre furent mises sur le marché.Dans la même période, Mat abandonnait César Napoléon Rascasse et Pitchounet fils de Marius pour reprendre, en alternance avec Forest, un Charlot devenu orphelin. N’étant pas l’homme d’une seule série, Mat donnait naissance à Oscar le petit canard, une série semi-animalière pleine de charme. Dans un style plus sérieux, issue de Fillette, où elle paraissait en bande à suivre, Durga Rani venait rappeler que Pellos avait une bonne dose de génie.

D’autre part, Mondial Aventures, une "collection culturelle" publiait trente albums adaptant de grandes œuvres littéraires françaises ou étrangères pendant que, le western étant à la mode, une collection de ce style était tentée sans trop de succès.

Une particularité des albums de la SPE est de s’être limité presque exclusivement aux couvertures papier à la différence des autres éditeurs qui utilisaient des couvertures rigides en carton. Ce type d’emboîtage ne fut employé, dans les années ’50, que pour une série spéciale de 8 titres de Bibi Fricotin ou pour des recueils d'albums composés de quatre titres dont les couvertures papiers étaient supprimées.

Les albums de la SPE